Rôle du professeur, rôle de l’étudiant.¶
Il y a souvent des incompréhensions entre profs et étudiants, sur ce qui est attendu par l’une ou l’autre des parties. Chers étudiants, ce petit texte est pour vous, pour comprendre ce que j’attends de vous et ce que vous pouvez attendre de moi.
Faut-il prendre du temps pour donner des explications soignées aux étudiants ? Au fil des ans, j’en suis arrivé à la conclusion que le rôle du professeur est de mettre l’étudiant au travail, et je m’efforce de prendre la parole moins souvent, pour laisser davantage de temps de travail aux étudiants. Nous, enseignants, avons souvent envie d’expliquer les points qui nous semblent importants. Essayer de partager est une intention positive, mais elle est parfois contre-productive. L’étudiant apprend souvent davantage lorsqu’il fait quelque chose activement par lui-même que lorsqu’il écoute une explication.
La forme utilisée pour mettre l’étudiant au travail importe assez peu, me semble-t-il. On peut partir d’un cours très classique, et avancer en laissant les étudiants chercher des exemples et des contre-exemples. On peut utiliser l’outil informatique avec des exerices interactifs utilisant wims. On peut simplement faire des seances de TD. Si l’étudiant travaille à un niveau de difficulté qui lui convient, s’il est actif, la méthode me semble bonne. Les débats anciennes technologies contre nouvelles technologies, évaluation par un devoir classique ou un QCM, etc … ne me paraissent pas fondamentaux, pourvu qu’on arrive à mettre l’étudiant en situation de travail. On choisit simplement une méthode qui permet à l’étudiant de trouver un parcours de travail qui lui convient, peu importe l’outil. Si un enseignant estime que les étudiants cherchent beaucoup et sont impliqués lors d’une séance sur ordinateur, il pourra utiliser l’outil informatique. Si au contraire, le coût d’entrée ( transmission des mots de passe, prise en main du logiciel… ) est trop élevé par rapport au travail fourni par l’étudiant, on essaiera d’ éviter ce temps inutilement perdu.
En maths, la méthode traditionnelle à l’université repose sur un cours magistral dispensé par le prof. C’est une méthode bien adaptée aux très bons étudiants, qui sont capables en direct de comprendre le discours du prof, de le décortiquer et de l’analyser au fur et à mesure de l’avancement des énoncés. Pour ces très bons étudiants, le cours magistral est un temps actif, et on les voit d’ailleurs souvent intervenir et poser des questions. Mais pour la plupart de nos étudiants, le cours magistral est temps passif, et finalement un temps perdu. Certes, les étudiants apprennent quelques fragments, mais, pour la majorité d’enre-eux, ils apprennent davantage si on leur permet d’être actifs dans une autre forme de travail.
Si le cours magistral est souvent inadapté, il ne s’agit pas de minimiser le rôle de l’enseignant, bien au contraire. Mettre un étudiant au travail suppose d’avoir un oeil sur ce qu’il est capable de faire, de lui proposer une tache qu’il peut réussir en autonomie totale ou avec quelques explications pour passer les points de blocage. L’enseignant a un rôle d’aiguillage tout à fait fondamental. Il sait ce qui est important sur le plan scientifique et sur lequel il faut passer du temps. Il peut éviter à l’étudiant de s’embourber et de se décourager avec des choses trop difficiles. Aucun livre ni aucune technologie informatique ne permet d’adapter aussi finement le savoir proposé aux possibilités de l’étudiant.
A la fin d’une séquence d’enseignement, la majorité des étudiants doit pouvoir réaliser en autonomie une tache nouvellement acquise. Être vagument familiarisé avec une notion sans pouvoir faire une tache en autonomie a très peu d’intérêt pour l’étudiant, car l’apprentissage sera extrêmement lent et fragile dans ces conditions. À l’inverse, savoir faire une tache en autonomie correspond je crois à un apprentissage perenne.
En résumé, les étudiants et les enseignants peuvent se mettre d’accord, implicitement ou explicitement, sur le contrat suivant, qui définit le rôle de chacune des deux parties:
le professeur choisit le sujet abordé, le travail à faire par les étudiants, choisit un parcours de travail adapté au public. Il résoud les points de blocage au cours de ce parcours. Il vise l’autonomie des étudiants sur des taches bien identifiées et accessibles à la majorité des étudiants,
l’étudiant travaille et participe, il exprime sans se cacher ses points de blocage afin que le professeur soit au courant de ce qui est possible ou pas pour l’étudiant.
Voici quelques règles que nous pouvons appliquer si nous pensons que le point le plus important est de mettre l’étudiant en situation de concentration et de travail.
Du point de vue de l’enseignant:
parler peu pendant les TD et laisser les étudiants suffisamment chercher,
Ne pas distribuer des photocopies à des étudiants moyens ou faibles, qui sont incapables d’autonomie avec ce matériel,
laisser à l’étudiant une marge de maneuvre dans le choix des méthodes qu’il emploie. L’étudiant devient passif et ne travaille plus si on lui impose des outils puissants mais trop complexes qu’il ne maitrise pas. Encourager son autonomie, son autocritique, et sa capacité à savoir ce qui lui convient le mieux,
changer de méthode pour aborder une notion si cela permet aux étudiants de mieux s’approprier les objets et de travailler davantage. Mais on ne change pas de méthode pour contourner les difficultés des étudiants. Il faudra de toutes façons se confronter aux difficultés,
Sur les notions difficiles, se recentrer avantageusement sur des versions allégées et accessibles aux étudiants, afin de leur permettre de travailler efficacement. Éviter de passer du temps sur une notion générale, parce qu’elle est au programme ou parce qu’elle nous semble importante, alors que les yeux des étudiants trahissent leur incompréhension.
Du point de vue des étudiants:
montrer franchement au prof ce qu’on comprend et ce qu’on ne comprend pas, dépasser sa peur d’être jugé. Intervenir par des questions et ne pas laisser le TD évoluer vers des problématiques trop difficiles sur lesquelles on n’a plus d’autonomie de travail,
aller en TD en étant concentré, la simple présence sans concentration est inutile,
ne pas appliquer une méthode qui semble bizarre et compliquée sans poser de questions.